Elle pleure
Elle a passé deux mois à l'hôpital. Ses reins, son dos, des oedèmes, plus grand chose ne la fait pas souffrir.
Elle est sortie il y a trois jours. Elle n'aurait pas dû.
Elle a mal. Elle pleure. Elle a peur. Son mari est parti avec une autre, on a coupé une jambe à son frère, son fils a bruyamment investi son appartement pendant son absence, les voisins ont porté plainte, il faisait du bruit et se droguait. Il n'a plus le droit de revenir ici. Elle ne le reverra plus, c'est sûr. Sa fille vit à 1 kilomètre mais quand même. Elle pleure.
Elle se déplace beaucoup trop difficilement, en gémissant.
Quand je reviens dix heures plus tard pour lui préparer son dîner, les pompiers viennent de la récupérer. Elle est tombée. Retour à l'hôpital.
Je trouve sa fille attablée, nous parlons ensemble. Un verre de whisky à la main, un peu agressive, elle en a marre de tout ça, elle en a marre que sa mère soit comme ça, elle pleure tout le temps et bon elle va quand même pas s'en occuper matin midi et soir.
Depuis que j'ai commencé ce travail, la joie, la solitude, la peur, les rires, la mort me sont devenus familiers. Mais aujourd'hui je viens, le coeur lourd et presque la nausée, de toucher du doigt ... la misère.